Bourse Germaine de Staël : traverser les frontières pour faire germer les avancées scientifiques

Germaine de Staël 09:10

Aujourd’hui, le comité de la bourse d’échange scientifique franco-suisse ‘Germaine de Staël’ a publié la liste des projets soutenus à partir de 2024. L’occasion de présenter Dr. Aurélie Gfeller (Agroscope, Suisse) et Dr. Delphine Moreau (INRAE, France), deux bénéficiaires courantes. Leurs recherches sur les cultures dont les racines émettent des composés capables d’altérer la croissance des plantes voisines – notamment des adventices – pourraient bientôt conduire à une agriculture plus écologique.

L'enthousiasme augmente chaque année vers la fin novembre, lorsque sont annoncés parmi les nombreux soumissionnaires la vingtaine de projets acceptés pour financement par la bourse Germaine de Staël. Ce programme favorise l’échange entre institutions suisses et françaises et est ouvert à toutes les disciplines.

Retrouvez les projets acceptés pour 2024 :

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Passage de frontières comme déclencheur

À quoi ressemble donc concrètement un tel partenariat de recherche ? Le projet « Le rôle de l’allélopathie dans la régulation des adventices par les couverts d’interculture » se retrouve dans la liste des projets Germaine de Staël acceptés pour l’année 2023. Un titre difficile, certes, mais l’explication est relativement simple : Il s’agit de cultures qui ne conduisent pas à récolter un produit agricole commercialisable directement, mais offrent des services visant à l’amélioration de la production des cultures de rente en protégeant le sol et en mobilisant différents processus biologiques comme le contrôle des adventices (plus communément appelées mauvaises herbes) par l’allélopathie.

La compréhension de ce mécanisme – la diffusion naturelle de composés chimiques anti-adventices dans la terre ou dans l’air – n’a que 85 ans, bien que ce phénomène ait été déjà observé durant l’Antiquité. Grâce au programme transfrontalier « Germaine de Staël », les groupes de chercheuses dans ce domaine spécialisé d’agroécologie en Suisse et en France se sont rencontrés pour tracer leurs sillons ensemble, au sens littéral. Leurs dirigeantes : Dr. Delphine Moreau de l’Institut National de Recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, INRAE/UMR Agroécologie, à Dijon, et Dr. Aurélie Gfeller, Agroscope, à Changins près de Nyon dans le canton de Vaud.

Comme pour toutes les collaborations du programme Germaine de Staël, les participant·e·s dépassent non seulement les frontières géographiques, mais aussi des frontières scientifiques et culturelles – souvent un déclencheur décisif pour créer de nouveaux développements. Dans un sondage des programmes passés, plus de la moitié des équipes jugent l'importance de ce financement comme moyenne à haute et 50% déclarent que leur collaboration n’aurait probablement pas vu le jour sans ce programme.

Dans quelle mesure l’allélopathie peut-elle effectivement contribuer à réguler les adventices au champ ? Voilà l’enjeu central de la collaboration entre Delphine Moreau et Aurélie Gfeller qui a permis de faire germer de nombreuses idées entre chercheurs expérimentés.

Ces échanges ont aussi permis d’élargir la culture et la connaissance scientifique d’étudiants en doctorat et en master qui ont participé activement aux rencontres.

Pour résumer avec les mots d'Aurélie Gfeller : « notre collaboration a été vraiment fructueuse – sur le plan scientifique, culturel et pédagogique. »

Les bénéficiaires du programme en 5 questions

1 Se rencontrer en personne, est-ce nécessaire pour collaborer en 2023 ?

Delphine Moreau (DM) : « La complémentarité entre réunions en présentiel et en visio est importante pour une collaboration entre pays. Bien qu’on gagne du temps avec la vidéo-téléphonie qui est très flexible et ne coûte presque rien, les réunions physiques sont importantes aussi dans un monde numérisé pour vraiment connaitre ses partenaires et pour le brainstorming créatif en groupe. »

Aurélie Gfeller (AG) : « Les rencontres sont centrales afin d'approfondir les partenariats existants et d'établir de nouveaux contacts. La communication est facilitée et enrichie. De plus, certaines expériences et machines ne sont parfois que disponibles dans l'organisation partenaire. J’ai profité des connaissances en modélisation de Delphine et je crois que Delphine a bénéficié de mon expérience en matière d’allélopathie ».

2 Comment les visites mutuelles ont-elles influencé votre travail de recherche ?

DM : Notre domaine de recherche est encore aujourd’hui très peu connu. La collaboration proposée dans ce projet a permis une complémentarité forte entre Agroscope et l’UMR Agroécologie, car Agroscope dispose d’une expertise reconnue sur l’allélopathie et ses mécanismes sous-jacents qui sont étudiés au laboratoire par des approches de biochimie, de biologie moléculaire, de génomique et de physiologie.
L’UMR Agroécologie dispose d’une expertise reconnue sur la biologie des adventices, l’effet des systèmes de culture, la modélisation mécaniste et l’expérimentation virtuelle pour quantifier des processus difficiles à mesurer au champ et mieux comprendre leurs déterminants, mais l’allélopathie est un processus pour lequel nous n’avons pas d’expertise.

AG : Je valide les propos de Delphine et j’ai réalisé aussi à quel point décrire certains mécanismes qui se passe à l’échelle d’une racine de plante comme nous le faisons pouvaient avoir des répercussions à l’échelle de la parcelle agricole.

3 Quelle a été l’importance du soutien du programme ?

DM : Ce financement d’échange m’a permis de poser les bases d’un nouveau module d’allélopathie pour le modèle FlorSys, de monter un nouveau projet collaboratif du Fonds National Suisse (FNS-ANR) et de collaborer aux articles scientifiques suivants :

4 Existent-ils des différences entre les pays, les institutions, les cultures ?

DM : Nos deux laboratoires travaillent sur la gestion des adventices. Les domaines d’expertises entre les deux laboratoires sont complémentaires.

AG : Il n’y a pas de différences au niveau scientifique, peut-être dans la structure, l’organisation, les hiérarchies. Nous n’aurions pas collaboré si nos approches n’étaient pas similaires. Quant aux différences entre l’agriculture française et suisse, les enjeux, les questions et les problématiques sont finalement les mêmes.

5 La bourse Germaine de Staël vous a-t-elle ouvert des portes ?

AG : C’était une excellente opportunité de réunir les atouts de nos deux laboratoires avec des buts concrets. Lors de nos réunions de discussion des résultats l’idée d’entamer d’autres projets a pris forme. Nous nous sommes rendu compte que le champ d’investigation était encore plus vaste et nous voulions continuer à travailler ensemble. Pour cette raison nous préparons un projet de plus grande envergure auprès du Fond National Suisse. En effet, la réduction de l’utilisation des herbicides est un enjeu central de l’agriculture et demande de nombreux moyens pour garantir des rendements suffisants pour nourrir la population avec des produits locaux.

A propos

Madame de Staël – le combat par la plume

Anne-Louise-Germaine Necker, Baronne de Staël-Holstein ou simplement Madame de Staël (1766-1817), était une écrivaine, chercheuse et penseuse franco-suisse politiquement active à l’époque de la Révolution française. Sa personnalité était si puissante et son réseau de relations si vaste que même Napoléon la craignait et la bannit de Paris.

On lui prête la citation « Chaque femme, comme tout homme, ne devrait-elle pas poursuivre ses propres talents ? ». Tout comme le font les bénéficiaires de ce programme d’avancement scientifique qui porte son nom.