La réglementation rencontre l'innovation : comment réussir à gérer intelligemment l'IA ?

L'intelligence artificielle est en train de s'établir dans tous les domaines de notre vie. Mais sa diffusion rapide comporte aussi des risques. Il est certes possible d'y remédier par des lois, mais la technologie évolue si rapidement que la réglementation elle-même devient un risque. Pour une éventuelle loi suisse sur l'IA, il convient donc de tenir compte des expériences faites avec le EU AI Act.

Manuel Kugler, responsable du programme Données & IA / Advanced Manufacturing, en costume gris sur fond bleu

Manuel Kugler : Responsable du programme Données & IA / Advanced Manufacturing

Ce que nous pouvons apprendre de l'AI Act de l'UE - cinq points pour la Suisse

  1. La technologie dépasse les lois
    L'IA se développe plus rapidement que les processus juridiques ne peuvent suivre - la réglementation doit donc rester flexible.
  2. Les risques complexes doivent être abordés
    La fraude, la désinformation et les changements sur le marché du travail augmentent et exigent des garde-fous clairs.
  3. Le EU AI Act montre les problèmes d'une réglementation rigide
    Lorsque le projet de loi a été rédigé, des technologies essentielles comme ChatGPT n'existaient pratiquement pas encore sur le marché. Cela a nécessité des améliorations.
  4. Pour la Suisse, il est recommandé d'adopter une approche sectorielle
    Une vaste réglementation "tous azimuts" augmente la complexité et le risque de surréglementation. Mieux vaut se concentrer sur certains secteurs et s'orienter vers les normes internationales.
  5. La pression du temps compromet la qualité des normes
    L'accélération de l'élaboration des normes techniques au sein de l'UE suscite des critiques - l'absence de consensus met en péril la mise en œuvre pratique.

Traduit avec DeepL

Vitesse record d'adoption de l'IA

Après seulement trois ans, plus de la moitié de la population suisse utilisait déjà des outils d'IA générative comme ChatGPT. Jamais auparavant une technologie ne s'était répandue aussi rapidement en Suisse que l'intelligence artificielle. L'économie suisse en attend également beaucoup. L'IA générative pourrait augmenter le PIB jusqu'à 11% dans les années à venir.

Toutefois, cette adoption rapide de l'IA comporte également des risques tels que l'augmentation des fraudes par le biais de contenus générés par l'IA ou des défis sur le marché du travail. Ces effets négatifs peuvent certes être contrés par une réglementation. Mais l'élaboration de nouvelles lois prend du temps. De plus, la technologie ne cesse d'évoluer.

Pourquoi la réglementation de l'IA n'est pas un sprint ?

Avec l'AI Act, la Commission européenne a mis en vigueur le 1er août 2024 la première réglementation globale de l'IA au monde. Elle classifie et réglemente les systèmes d'IA en fonction des niveaux de risque. Son élaboration s'est étalée sur plusieurs années. L'une des pierres d'achoppement a été la vitesse à laquelle l'IA se développe. Ainsi, des systèmes comme ChatGPT, lancé en novembre 2022, n'étaient guère couverts par le premier projet de loi. La commission a dû revoir sa copie.

La rédaction de l'AI Act a représenté un énorme travail. Mais cela ne suffit pas. En effet, pour pouvoir l'appliquer, il faut également des normes harmonisées : des normes techniques qui aident à mettre en œuvre concrètement les exigences de la législation. L'élaboration de telles normes est un processus basé sur le consensus, qui prend du temps. Un temps que la Commission n'a pas. En effet, des délais contraignants sont liés à l'entrée en vigueur de l'AI Act.

La course contre la montre met en péril le consensus

C'est le comité technique JTC 21 Artificial Intelligence qui a été chargé de rédiger ces normes. Comme il a pris du retard, la Commission fait pression sur les organismes européens de normalisation (OEN), le Comité européen de normalisation (CEN) et le Comité européen de normalisation électrotechnique (CENELEC), auxquels le JTC 21 est rattaché. Le comité technique des deux SDO a réagi et a récemment décidé de raccourcir le temps de développement habituel afin que les normes soient disponibles à temps pour la fin 2026.

Cette décision a suscité de vives critiques de la part des membres du JTC 21. Ils estiment qu'elle met en péril le principe du consensus. Selon eux, le développement de normes harmonisées à grande échelle n'est plus possible.

Des enseignements importants pour la Suisse

Les expériences faites avec le EU AI Act devraient nous servir de leçon. La Suisse ne devrait pas essayer de réglementer l'intelligence artificielle de manière globale, mais plutôt, dans la mesure du possible, de manière sectorielle. Cela réduit la complexité, les efforts et le risque d'être dépassé par les développements en cours.

Une éventuelle loi suisse sur l'IA devrait s'appuyer sur des normes internationales établies. Il est peu judicieux d'édicter une réglementation qui ne peut pas être mise en œuvre dans la pratique. Nous ne devrions pas nous mettre inutilement sous pression et risquer que la réglementation ne sape précisément les principes qu'elle est censée protéger : La transparence, l'inclusion et la confiance.

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 Manuel Kugler

Manuel Kugler

Chargé de programme Données et AI / Advanced Manufacturing

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Cet article a été rédigé par l'auteur et ne reflète pas l'opinion officielle de l'Académie Suisse des Sciences Techniques SATW.