Journées de Réflexion 2018 à Yverdon-les-Bains

08:55

Les membres de la SATW se sont réunis les 30 et le 31 octobre derniers à Yverdon-les-Bains pour discuter des avancées technologiques importantes pour la Suisse. Ces journées de réflexion annuelles s’inscrivent dans le processus d’identification précoce de la SATW.

Les membres de la SATW se sont réunis les 30 et le 31 octobre derniers à Yverdon-les-Bains pour discuter des avancées technologiques importantes pour la Suisse. Ces journées de réflexion annuelles s’inscrivent dans le processus d’identification précoce de la SATW.

Principal réseau suisse d’experts dans le domaine des sciences techniques, la SATW est mandatée par la Confédération pour anticiper sur les avancées technologiques significatives pour notre pays. La responsabilité de cette veille technologique incombe en premier lieu au Conseil scientifique et aux plateformes thématiques. Une fois l’an, les membres de ces instances se rencontrent dans le cadre des Journées de Réflexion (JdR) pour échanger leurs vues. L’édition 2018 s’est tenue au Grand Hôtel des Bains, à Yverdon-les-Bains. Après l’allocution de bienvenue de Willy R. Gehrer, président de la SATW, le secrétaire général de cette dernière, Rolf Hügli, a présenté aux quelque vingt-cinq participants le déroulement prévu et la finalité des Journées, qu’il a qualifiées de «conférence des cadres» de la SATW.

La veille technologique elle-même évolue

L’un des thèmes clefs a été celui des innovations attendues lors du Technology Outlook 2019 (TO19). Pour la première fois, le contenu de celui-ci s’articule sur la liste des technologies du SEFRI. Le SEFRI a par ailleurs proposé que l’on tienne compte désormais aussi des données quantitatives. Le président du Conseil scientifique, Ueli W. Suter, a décrit dans le détail la dernière ébauche en date du TO19, et les changements correspondants, posant ainsi les bases des ateliers de groupes de l’après-midi. Les participants ont examiné le potentiel technologique, mais aussi les répercussions économiques et le rayonnement international de la recherche suisse, se basant pour cela sur des paramètres comme le chiffre d’affaires, le potentiel commercial, le nombre de groupes de recherche et l’indice h. Les paramètres ont ensuite été pondérés en vue de leur introduction dans les modèles de calcul. Bien évidemment, les experts ont abondamment discuté ces différents paramètres. Des réflexions précieuses en sont ressorties, qui seront analysées en détail au cours des mois qui suivent en vue d’affiner les modèles. L’après-midi, les discussions ont porté sur les groupes-cibles du TO19, la finalité du rapport et le rôle de la SATW. Là aussi, des réflexions passionnantes ont vu le jour. Diverses approches prometteuses ont été évoquées, qu’il s’agira d’étudier attentivement. L’étape suivante, dans le cadre des ateliers, a consisté à élaborer et à formuler des recommandations pour les groupes-cibles. Après avoir évalué et discuté l’importance des technologies étudiées, les participants ont examiné si certaines d’entre elles avaient le potentiel de devenir de futures priorités de la SATW. Les résultats des ateliers ont été présentés et discutés le lendemain, dans le cadre du plénum.

Inputs thématiques concernant les technologies d’avenir

Les JdR 2018 se sont closes sur deux passionnants exposés. Tout d’abord, Andreas Fuhrer, d’IBM Research à Zurich, a présenté les derniers travaux en informatique quantique. Après avoir brièvement décrit le mode de fonctionnement des calculateurs quantiques, il est passé à la présentation de diverses plateformes. Sous le label IBM Q Experience, IBM exploite actuellement des processeurs quantiques de 5 et de 16 Qubits, accessibles au public sous forme de service décentralisé (voir aussi Qiskit). Quelque 100 000 utilisateurs ont déjà effectué plus de six millions d’expériences à l’aide de ces calculateurs. Une version plus élaborée, d’une capacité de 20 Qubits, existe également, mais n’est pour l’instant pas accessible aux clients commerciaux. IBM travaille actuellement sur un processeur quantique de 50 Qubits. L’objectif ultime, toutefois, est le «Fault-tolerant Universal Quantum Computer», mais il faudra plusieurs décennies pour en arriver là.

Les équipements utilisés ne sont pas sans rappeler les débuts de l’informatique classique, comme l’a illustré Andreas Fuhrer au moyen d’images du Colossus Mark II. C’était la première fois que la machine résolvait des problèmes plus rapidement que l’homme. La technologie a depuis prouvé son intérêt et engendré de spectaculaires développements. La situation de l’informatique quantique aujourd’hui rappelle un peu cette époque. L’enjeu de la compétition actuelle est de savoir qui sera le premier à bâtir une machine capable de résoudre des problèmes plus vite qu’un ordinateur classique (recherche de «l’avantage quantique»). Le battage médiatique est intense, mais nécessaire pour trouver les fonds permettant de développer la technologie. Et l’argent coule à flots: à elle seule, l’Allemagne prévoit d’investir 650 millions d’euros dans la recherche quantique, et l’Europe songe à débloquer un milliard d’euros. Quant à la Chine, elle va jusqu’à injecter l’équivalent de 10 milliards d’euros dans un centre de recherches, ce qui fait d’elle l’acteur étatique le plus impliqué dans ce domaine. On en sait moins sur les investissements opérés par les entreprises privées, mais ils pourraient s’avérer considérables eux aussi. Grâce à son Pôle de recherche national dédié (NCCR QSIT), la Suisse se place avantageusement en matière de recherche et pourrait devenir un acteur majeur dans le secteur des technologies quantiques de base. Plusieurs entreprises helvétiques, comme Zurich Instruments, Specs Zurich ou Huber & Suhner, prennent une place toujours plus prépondérante dans l’écosystème entourant les calculateurs quantiques.

La seconde conférencière, Greta Patzke, professeure à l’Université de Zurich, s’est attachée à expliquer la photosynthèse artificielle aux personnes présentes. Le caractère fini des ressources pétrolières et la nécessité de lutter contre le réchauffement climatique parlent tous deux en faveur d’une exploration intensive de cette technologie. Le soleil sera toujours la source d’énergie la plus fiable et la plus abondante, reste à trouver les moyens d’en tirer parti de manière optimale. Elle a ensuite présenté plusieurs stratégies chimiques visant à relever le défi déjà «classique» que représente la séparation catalytique de l’eau en oxygène et hydrogène à l’aide de l’énergie solaire. Ses recherches s’inscrivent dans l’axe de recherche prioritaire de l’Université de Zurich «Converting Solar Light into Chemical Energy» (LightChEC).

compréhension théorique des mécanismes de réaction sous-jacents est complexe et exige une capacité de calcul considérable, raison pour laquelle elle souhaite elle aussi disposer de calculateurs plus puissants, a-t-elle déclaré en faisant référence à l’orateur précédent. Puis elle a évoqué la nécessité de construire davantage de prototypes de réacteurs photocatalytiques pour produire de l’énergie à des fins commerciales. Les matériaux utilisables pour ce faire sont nombreux et comprennent les points quantiques de phosphures et de sulfures, qui sont d’excellents photoabsorbants. Il existe par ailleurs de nombreux catalyseurs performants à base d’oxydes. Elle a ensuite passé en revue divers types de matériaux et les configurations techniques correspondantes. Elle s’est déclarée convaincue que ses travaux de recherche pourront fortement contribuer à améliorer la photosynthèse appliquée.

Si la Suisse ne jouit pas d’un ensoleillement optimal, ni ne dispose de l’espace nécessaire pour devenir un fournisseur majeur de ce type de produits, elle est tout à fait à même de développer une nouvelle infrastructure et la vendre dans le monde entier. «Nous disposons de plusieurs centres de compétences comme le PSI et d’excellents ingénieurs pour la mise en œuvre technique», a-t-elle relevé. Elle a rappelé combien il est important que les chimistes et les ingénieurs collaborent, pour que la recherche fondamentale débouche le plus vite possible sur des applications industrielles. À titre d’exemple, elle a cité la collaboration entre son équipe et le groupe de recherche d’Aldo Steinfeld, professeur à l’EPFZ, dans le domaine de la production thermosolaire de gaz de synthèse. Pour conclure, elle a évoqué un problème fondamental ayant trait à la commercialisation. «Je ne vois pas, toutefois, comment notre technologie pourrait, dans un avenir proche, concurrencer directement les vecteurs énergétiques fossiles, sauf si des redevances CO2 supplémentaires venaient à augmenter le prix de ces derniers.»

À l’issue de ces deux passionnants exposés, le président de la SATW, Willy R. Gehrer, a remercié les conférenciers et toutes les personnes présentes pour leur engagement.

Renseignements

Claudia Schärer, responsable Identification précoce,
tél. +41 44 226 50 20, claudia.schaerer(at)satw.ch