Conférence nationale Open Access

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swissuniversities a organisé le 26 octobre 2018 en collaboration avec l’Université de Lausanne la première conférence nationale Open Access. Compte-rendu.

swissuniversities a organisé le 26 octobre 2018 en collaboration avec l’Université de Lausanne la première conférence nationale Open Access. Quelques 300 personnes issues de milieux différents (bibliothèques des hautes écoles, rectorats, chercheurs, éditeurs etc.) ont pris part à la manifestation. Le programme de la journée a donné la parole à des intervenants suisses et internationaux qui ont partagé leurs réflexions et perspectives sur la thématique de l’Open Access. 

Depuis une dizaine années, diverses initiatives internationales tel les que la déclaration de Berlin (2003), la déclaration de San Francisco DORA (2013) et désormais le Plan S (2018) de l’Union européenne ont poussé les hautes écoles suisses à mettre le sujet à l’agenda en tant que priorité et l’ont traité de manière coordonnée avec le Fonds national suisse (FNS) sur mandat du Secrétariat d’Etat à la formation, recherche et innovation (SEFRI). Depuis février 2018, les hautes écoles disposent d’une stratégie nationale Open Access et d’un plan d’action leur permettant de se lancer maintenant activement dans la réalisation de leur objectif: un Open Access total pour les publications scientifiques d’ici 2024. 

Les hautes écoles suisses face à l’Open Access 

La conférence a tout d’abord donné la parole aux hautes écoles à travers le mot d’accueil de la rectrice de l’Université de Lausanne, le Prof. Dr. Nouria Hernandez et la contribution du recteur de l’Université de Zurich et président de swissuniversities, le Prof. Dr. Michael Hengartner. Ils ont présenté la situation actuelle – Mme Hernandez mettant notamment en avant l’état de l’Open Access à l’Université de Lausanne – et les travaux prévus par la stratégie nationale et son plan d’action. Tous deux ont rappelé l’importance de la collaboration entre toutes les hautes écoles suisses: il s’agit d’une démarche commune afin que la communauté scientifique reprenne sa position de leader dans le domaine des publications scientifiques. En ce sens, swissuniversities prévoit une gouvernance Open Access composée des différents partenaires nationaux de l’Open Access comme par exemple les bibliothèques, les Académies, le FNS, les éditeurs suisses, le Conseil suisse de la sciences (CSS) etc. Ainsi dès 2019, cette Alliance va travailler à développer les différents aspects du plan d’action. 

Le premier panel de discussion avait pour mission de discuter de l’importance de l’Open Access pour les hautes écoles. Différents aspects en sont ressortis: l’objectif fixé à 2024 pour des publications scientifiques en Open Access est réaliste mais au sens large, certains aspects prendront plus de temps dus par exemple aux spécificités de certaines disciplines et au temps nécessaire à un changement culturel dans les pratiques tel que l’évaluation de la re-cherche. La collaboration avec les éditeurs scientifiques a également été abordé. Face aux craintes compréhensibles de ces derniers, les hautes écoles voient au contraire une opportunité d’entrer dans un nouveau modèle d’affaires et travailler ensemble à assurer un produit de la recherche accessible pour tous. La démarche Open Access doit également permettre une maîtrise des coûts pour les hautes écoles dans le domaine de la publication scientifique afin de sortir de la logique actuelle d’augmentation constante des coûts des publications. 

La position de la Confédération et le rôle du Fonds national suisse (FNS) 

Le Secrétaire d’Etat à la formation, recherche et innovation, le Dr. Mauro Dell’Ambrogio a apporté sa contribution sur l’Open Access en rappelant son rôle dans cette démarche: la Confédération met en place les conditions-cadres pour permettre l’Open Access et c’est aux acteurs du terrain, les hautes écoles, qu’incombe la responsabilité de développer une structure et un fonctionnement selon ses besoins, en prenant en compte la diversité des pratiques. Ainsi par son courrier de décembre 2015 à swissuniversities, le SEFRI a donné l’impulsion afin que les travaux soient entrepris par les hautes écoles suisses. Bien que différents intérêts soient présents autour l’Open Access, il est important d’avoir conscience de l’évolution dans ce domaine. Par exemple, un changement de culture est nécessaire dans le domaine de l’évaluation scientifique, actuellement statique dans ses pratiques, afin de permettre l’Open Access et de réformer les conditions de recrutement au sein des institutions. De même, l’Open Access permet des opportunités de développements à saisir pour les maisons d’édition et leur modèle d’affaires. La stratégie nationale est dans ce sens une solution pragmatique qui permet tant l’autonomie des hautes écoles que la coordination des différents partenaires. 

La directrice générale du Fonds national suisse (FNS), le Prof. Dr. Angelika Kalt a quant à elle rappelé la mission principale de son organisation: encourager une recherche de qualité. Depuis plusieurs années déjà, le FNS exige que les publications des recherches qu’il finance soient accessibles dans des serveur de dépôts institutionnels. De cette manière, la visibilité des recherches et l’accès aux résultats des pairs sont garantis. Le FNS a également développé en collaboration avec certains éditeurs scientifiques suisses, un Open Access pour les monographies (projet OAPEN) qui a permis une plus grande dissémination pour les livres également. De par son rôle d’institution d’encouragement de la recherche, le FNS invite à aller plus loin: il ne faut pas seulement garantir l’accès aux publications scientifiques mais également penser le système dans son ensemble, par ex. la question du mérite. En ce sens, le FNS joue un rôle de locomotive et privilégie la voie de l’information et de soutien dans l’application de l’Open Access plutôt que la voie de la sanction pour les chercheurs qui ne seraient pas encore convaincus par le modèle. Dans ce contexte, la sensibilisation auprès des chercheurs et des évaluateurs est centrale. 

Le deuxième panel de discussion s’est penché sur la mise en oeuvre concrète de l’Open Access et les défis y relatifs. La discussion a identifié tant les avantages que les risques de l’Open Access. D’une part, il s’agit d’assurer le contrôle qualité des publications Open Access et garantir la technologie (plateformes informatiques) pour la mise en ligne des publications. D’autre part, des obstacles existent et doivent être pris en compte minutieusement dans la mise en oeuvre comme par exemple les potentiels conflits d’intérêt au sein des comités éditoriaux des journaux Open Access où les attentes liées au profit risquent de prendre le dessus au détriment de la qualité des publications. Ou encore le développement de predatory journals qui ne garantissent pas la qualité des publications en Open Access. Ainsi la bonne gestion des « Article Publication Charge » (APC) et la possibilité de remplacer le « Gold OA » par le « Platinum OA » ou « Diamond OA » (Gold OA mais sans paiement d’APC par les auteurs) a fait l’objet de discussions. Le besoin d’une base légale soutenant l’Open Access tel qu’un droit de deuxième publication a également été évoqué. Enfin la légalité de l’usage des plate-formes de partage des publications a été débattu. Tous ces aspects doivent être observés dans la phase de transition vers l’Open Access actuellement en cours. 

Enjeux à l’échelle européenne 

Dans sa présentation, le Prof. Dr. Jean-Pierre Finance a exposé l’importance des enjeux liés à l’Open Access et de manière plus globale à l’Open Science au niveau européen. Depuis septembre 2018, le Plan S de l’Union européenne fixe un nouveau cadre: l’Open Access pour toutes les publications scientifiques en 2020. La European Universities Association (EUA) s’engage fortement sur le sujet à travers notamment le groupe d’experts Open Science qui mène différentes actions comme par exemple une enquête annuelle auprès de ses membres permettant de récolter des informations sur l’état de l’Open Access. Il a ainsi été observé qu’il existe de grandes disparités dans les dépenses pour les mêmes ressources électroniques entre les pays européens. Par souci de transparence, des négociations Big Deals à plus grande l’échelle, entre plusieurs pays par exemple, seraient éventuellement à envisager. En comparaison internationale, le continent européen est la région à avoir le plus développé des politiques coordonnées. 

Perspectives pour l’Open Access dans les années à venir 

La conférence s’est conclue par la contribution du Prof. Dr. Jacques Dubochet, Lauréat du prix Nobel de chimie en 2017. Son expérience avec les éditeurs scientifiques tout au long de sa carrière l’a mené à être un fervent défenseur de l’Open Access. C’est en voulant publier les résultats sur les erreurs d’une recherche antérieure publiée dans la revue Nature qu’il s’est vu sa demande refusée auprès de celle-ci. Il s’est ainsi tournée vers une revue Open Access pour publier ses résultats. Pour lui, la connaissance est «un bien commun pour le bénéfice de tous ». Son message s’est adressé à la relève scientifique pour qu’elle ose la créativité dans ses choix de recherche, mais également aux institutions de financement de la recherche pour qu’ils encouragent de manière plus soutenus des jeunes chercheurs. 

Dans son mot de la fin, le vice-recteur Recherche de l’Université de Lausanne, le Prof. Dr. François Bussy est revenu sur les discussions qui ont eu lieu au fil de la journée et s’est réjoui de la diversité et de la richesse de l’échange avec les intervenants et les participants. L’une des prochaines étapes importantes pour les hautes écoles sera d’élargir ses travaux à l’Open Science, notamment avec l’Open Data suite à l’extension du mandat du SEFRI. 

Il existe des résistances contre le mouvement Open Access, mais le vice-recteur retient avant tout que le soutien de la communauté scientifique dans cette démarche ainsi qu’une communication plus active sont les éléments centraux pour le succès de la pratique de l’Open Access. L’exercice est complexe mais réaliste, il s’agit de parvenir à l’Open Access tout en laissant une liberté aux chercheurs et en favorisant les idées novatrices. 

 

Ce compte-rendu a été initialement publié par swissuniversities. Retrouvez toutes les vidéos des interventions sur leur site.