Travailler sur l’infiniment petit nécessite aussi de faire de longs voyages. Le programme Germaine de Staël a permis à cette équipe de recherche franco-suisse de concrétiser une collaboration prévue de longue date. Interview de Sara Bonella, Deputy Director du CECAM, le Centre Européen de Calcul Atomique et Moléculaire basé à l’EPFL.
En quoi consiste votre projet de recherche « Modèles et théorie pour les effets quantiques nucléaires » ?
Nous collaborons avec l’équipe de Simon Huppert à l’Institut des nanosciences de Paris (Sorbonne Université). Notre projet de recherche porte sur le développement de nouvelles méthodes pour la simulation des effets quantiques nucléaires. Ces effets sont cruciaux pour comprendre de façon approfondie et simuler à l’échelle microscopique de nombreux phénomènes physiques ou chimiques. Les méthodes de simulation qui utilisent la mécanique quantique nécessitent actuellement un gros effort de calcul, avec des coûts conséquents, difficiles à gérer pour les ordinateurs d’aujourd’hui. Nos recherches visent à résoudre ce problème.
Quel type soutien avez-vous reçu du programme Germaine de Staël?
La bourse Germaine de Staël nous a permis de financer nos déplacements en France. En 2019, l’équipe suisse a effectué 7 visites à Paris pour travailler avec l’équipe parisienne au développement des méthodes de simulation. Nous nous sommes également rencontrés à l’occasion de deux workshops organisés par le CECAM à Lausanne et Paris.
Quel a été l’impact concret du programme pour votre équipe ?
Le programme Germaine de Staël a vraiment eu un rôle de catalyseur pour notre projet. Nous avions rencontré l’équipe de Simon Huppert lors d’un workshop organisé par le CECAM, durant lequel nous avions émis l’idée de collaborer. Le financement mis à disposition par le programme Germaine de Staël a été le déclencheur de ce projet commun. Aujourd’hui, nous avons déjà publié 2 articles et 2 autres sont en préparation. Nous avons également un doctorant qui a bénéficié du financement pour ses voyages entre Paris et Lausanne qui va défendre sa thèse en octobre.
Quels sont les défis dans une collaboration Franco-Suisse?
Je dirais que nous n’avons pas eu affaire à de véritables défis. La collaboration était assez facile, avec des équipes culturellement proches.
Comment communiquez-vous entre les équipes?
En dehors de nos rencontres, on se parle assez souvent, plus ou moins une fois par semaine. Nous utilisons pour cela les outils de collaboration habituels comme Skype, Zoom, Dropbox et GitHub.
A l'heure d'internet, est-ce que cela sert encore à quelque chose de se déplacer pour se rencontrer?
Oui, sans hésiter ! Les outils dont on dispose à présent nous facilitent évidemment la vie, mais la collaboration à distance a aussi ses limites. Même si on n’a plus besoin d’attendre 3 mois pour recevoir une réponse comme à l’époque où Faraday ou Volta échangeaient des lettres avec leur collègues, il n’y a rien qui remplace le fait de se retrouver ensemble. Il y a énormément de facteurs autres que techniques qui déterminent le succès d’une collaboration. Les facteurs humains et sociaux jouent un rôle essentiel. Avoir par exemple la possibilité de partager un verre tout en parlant de science, ça n’est pas seulement agréable, mais aussi productif.
Justement, comment vivez-vous cette période de semi-confinement et de limitation des déplacements ?
Comme il est devenu compliqué, voire impossible, d’organiser des workshops et des formations et que les déplacements internationaux sont interdits, nous avons développé nos activités online. Les webinars que nous organisons avec le CECAM rencontrent d’ailleurs un joli succès. On niveau du travail scientifique, j’avoue avoir beaucoup de nostalgie pour les rencontres en présence. En même temps, j’apprécie aussi les bénéfices de ne plus devoir voyager autant qu’avant. Il faut dire que notre travail de scientifique fait que nous sommes presque toujours en déplacement. Techniquement, du côté scientifique, je n’ai pas vraiment constaté de changement. Nos recherches progressent et on essaie de s’adapter.
Parmi les initiatives que vous avez mises en place, est-ce qu’il y en a certaines que vous pensez conserver au-delà de la crise sanitaire ?
L’expérience des webinars du CECAM est vraiment positive, je pense qu’on va continuer à les organiser. Au niveau interne, on a aussi réorganisé la façon de travailler de l’équipe avec davantage de télétravail. En ce qui concerne les événements, nous allons probablement les organiser avec moins de participants et combiner une partie de présence physique avec des interventions sur le web.
A propos du CECAM
Le CECAM (Centre Européen de Calcul Atomique et Moléculaire) est une organisation qui se consacre, depuis 1969, à la promotion de la recherche fondamentale sur les méthodes de calcul avancées et à leur application à des problèmes importants dans des domaines scientifiques et technologiques de pointe. Comme son nom l'indique, le CECAM s'est traditionnellement concentré sur les simulations atomiques et moléculaires, appliquées à la physique et à la chimie de la matière condensée. Au cours des vingt dernières années, de puissants progrès en matière de matériel et de logiciels informatiques ont permis d'étendre ces méthodes à un large éventail de problèmes dans les domaines de la science des matériaux, de la biologie et de la chimie médicale.
A propos du programme Germaine de Staël
Le programme Germaine de Staël soutient la collaboration entre les groupes de recherche français et suisses en prenant en charge les frais de déplacement et de logement lors de missions courtes (moins d'un mois) auprès de l’équipe partenaire.
L'objectif de ce programme est de développer les échanges scientifiques et technologiques d'excellence entre les laboratoires et équipes de recherche des deux pays, en favorisant les nouvelles coopérations.
La période de postulation pour intégrer le programme Germaine de Staël est ouverte. Vous pouvez déposer votre dossier jusqu’au 03 juin. Plus d’infos ici.
Edith Schnapper, chargée de programme Germaine de Staël, edith.schnapper(at)satw.ch, 044 220 50 26